La catastrophe se relativise, si on tient compte de l'abstention à plus de 50%, un français sur huit a voté FN. Je n'ai pas une chance sur quatre d'avoir un voisin raciste, mais j'ai une chance sur deux qu'il soit jemenfoutiste.
Alors certes, il y a toujours les cas particuliers, qui comme Fully n'ont pas voté suite à un empêchement pas maîtrisé (chouette euphémisme
), et c'est (parfois) excusable. Je suis en revanche bien moins clément avec les abstentionnistes volontaires. Des gens se sont battus et se battent encore pour pouvoir voter dans le monde, comme le dit la BD de Sarthy ci-dessus, bien que ces arguments soient banals et vides pour les personnes de peu de compassion, ils sont parfaitement valables. Si on vient à retirer le droit de vote du jour au lendemain, les abstentionnistes seront les premiers à regretter cette perte. C'est en partie de leur faute, mais pas que.
Je m'explique en exposant les principaux arguments des abstentionnistes :
- "Ouais, mais les européennes, ça sert à rien." : argument moyennement admis. S'il est clair qu'aux présidentielles "on vote pour le chef", on ne sait pas trop ce que représentent les eurodéputés. Je ne saurais pas l'expliquer correctement non plus, mais je sais qu'ils ont une part de responsabilité dans le cadre de la mise en place de certaines réglementations à l'échelle européenne, qui se répercutent après sur les réglementations nationales. Celui qui est élu peut potentiellement changer quelque chose dans votre vie, même très indirectement.
- "Le vote blanc ? Il sert à rien." : argument admis. Si l'on sépare depuis peu les bulletins blancs et nuls, on ne leur accorde toutefois pas la place qu'ils méritent. Le vote blanc devrait être représenté au même titre que n'importe candidat, doit être un suffrage exprimé et pris en compte dans les résultats. Hélas, ce n'est pas vraiment le cas.
- "De toutes façons, ils sont tous pourris, et l'un vaut pas mieux que l'autre." : argument partiellement admis. Les grands partis ne donnent hélas pas la meilleure image de la politique, qui rebute en conséquence bon nombre de personnes. Mais il reste que ce ne sont qu'une demi-douzaine de partis ... sur les dizaines voire centaines de partis présents en France.
Je prends l'exemple des élections européennes. En circonscription Est où j'ai voté, on pouvait choisir une liste parmi les
23 disponibles. On pouvait y trouver quasiment de tout, des anticapitalistes, des républicains, des féministes, des décroissants, des gaullistes, des communistes, des écologistes, des nationalistes, des royalistes, des centristes, des religieux, des socialistes, des fédéralistes, ... et j'imagine que c'était un peu le cas dans toutes les circonscriptions.
Certes, le cas des européennes est particulier, car la plupart des listes qui se présentent n'envoient même pas de profession de foi ni de bulletin faute de moyens (et c'est un autre débat), mais à ce moment, on ne peut faire autrement que de se documenter de manière autonome. S'informer sur l'existence des différents partis (et pas seulement en période électorale, n'importe quand dans l'année) est une bonne solution, et il y a peu de chances pour que les idées que l'on développe ne soient pas déjà représentées par au moins l'un de ces partis. Partis qui sont qui plus est représentés par des personnes dont la politique n'est pas nécessairement l'activité professionnelle, qui n'ont pas forcément été mêlés à diverses affaires.
Bien sûr, l'idéal serait que les cours d'éducation civique au lycée soient à nouveau notés au bac, histoire qu'ils ne soient plus délaissés "parce qu'il faut finir le programme d'histoire-géo parce qu'il est noté". On y apprendrait le fonctionnement des institutions en France, les lignes directrices de divers partis seraient présentées (de manière impartiale si possible), et le nouvel électeur aurait ainsi une base technique pour comprendre le fonctionnement de la République, de ces institutions, et serait sensibilisé au droit de vote.
- "C'est un DROIT de vote, non ?" : argument valide, mais détestable. Nous disposons de la liberté de vote dans ce pays, et il nous appartient de choisir si l'on souhaite voter ou non. En un sens, c'est honorable, mais choisir de ne pas voter est rarement justifiable (cf. les trois points précédents). Ne pas vouloir aller voter, d'accord. Mais à ce moment là, établissons une liste des arguments qui pourraient être tenus mais qui ne tiennent plus la route :
[*]"Mhé, j'avais voté machin-truc aux présidentielles, et ça n'a rien changé." : un président ne fait pas tout tout seul, et adapte le plus souvent son programme en fonction des résultats des autres élections. L'assemblée européenne que l'ont vient d’élire prendra bon nombre de décisions relatives aux états-membres de l'Union Européenne, décisions que les chefs d'états devront souvent appliquer, même si cela va à l'encontre de ses idées.
[*]"Putain, le FN est en tête, quelle bande de nazis ces Français." : ne pas être d'accord avec le FN est une chose, vouloir lui barrer le passage en est une autre. Imaginons qu'un cambrioleur entre dans votre maison, vous vous contentez de dire "Oh la la, c'est pas bien. Bonne journée !", ou vous finissez par appeler la police ? Voter pour une liste, c'est dire aux autres qu'on ne veut pas forcément d'elles. Même si cette logique est parfois naze et régit souvent les seconds tours d'élections présidentielles ("J'ai voté bidule, parce que je veux pas voir chouette."), il faut admettre que si l'on ne veut pas d'un parti au pouvoir, la meilleure solution reste de voter pour l'un de ses concurrents. On revient à l'argument du dessus, on peut analyser les programmes des autres et voter pour son préféré, ou voter blanc si cela a une valeur un jour.
[*]"Bon, j'ai la flemme d'analyser les programmes. Je vais prendre un bulletin au hasard parmi les petits candidats et on verra ce qu'il se passe." : SURTOUT PAS. C'est hélas l'une des erreurs qui font qu'aujourd'hui le FN est aussi haut. Ne pas connaître les grandes lignes d'un programme et quand même voter pour lui relève de l'aberration pure. Si vous choisissez de voter pour un tel ou un tel, regardez ce qu'il propose. Mettez ses idées en corrélation avec les vôtres. Ne votez surtout pas pour quelqu'un dont vous ne savez rien.
En ce sens, je suis donc plutôt partisan du vote obligatoire (du devoir de vote). Certes, dans un sens, c'est une restriction de liberté, mais combinée à une valorisation du vote blanc et à une initiation civique au lycée, cette mesure n'aurait quasiment aucun autre impact négatif. On éduque les nouveaux votants, et l'insatisfait peut exprimer sa neutralité via le vote blanc.
Voilà pour mon pavé inutile. J'ai tenté tant bien que mal de mettre en avant mon opinion sur l'abstention, et comment corriger ses défauts à plusieurs niveaux. On pourrait développer plusieurs autres points (l'utilité du vote post-élection et le fait que le citoyen ne soit pas sollicité autrement, le vote sans réflexion préalable, ...), mais on s'éloignerait un peu du sujet de base. Toutefois, ça tombe bien, on est sur un topic de débats, et si vous êtes abstentionniste volontaire, exposez vos arguments.