Chapitre 2 : La ceremonie du Sceau
Spoiler :
Le loup bondit par-delà un ruisseau débordant sur la végétation avoisinante, résultat de la dernière pluie torrentielle. Mais le loup n'avait pas pu l'apercevoir, et cela ne le concernait pas vraiment. Il avait beaucoup plus important à penser. Il courait à en perdre haleine. Il courait dans l'espoir de rattraper son terrible retard. Oui, il courait contre le temps, défiant les lois même de ce monde. Et malgré un tel geste... il avait peur. Cette peur le dévorait de l'intérieur depuis maintenant quelques heures. Il avait simplement fallu qu'une poignée d'images brumeuses lui revienne en tête... et désormais il ne pouvait plus s'empêcher d'y penser, encore et encore. Le loup ignorait sa fatigue, il ignorait tout de son corps pour se concentrer sur sa course fulgurante. Elle était la seule et unique chance qu'il lui restait. L'animal furtif courait au cœur d'une forêt. Bois recelant des secrets les plus inavouables. Il en était lui même un, et malgré son caractère unique, il continuait d'avoir peur. Rien ne pouvait plus l'effrayer que ce qu'il était en train de vivre, encore et encore. Il n'en pouvait plus, il aurait aimé simplement disparaître, être oublié des dieux qui d'en haut devaient bien rire du si piètre destin qu'ils lui avaient choisi. Mais malgré sa peur grandissante et son moral d'acier devenu simple fil si facilement coupable, il continuait sa course. Ces images dans sa tête lui faisaient mal. Cette douleur ne venait pas du corps mais de l'esprit uniquement. Liée à son angoisse, elle en devenait insupportable. Cette épreuve était insupportable. Et bien que sa cause était des plus nobles, bien qu'il disposait de toute la témérité du monde, il savait que tout était condamné déjà. Il avait réagi trop tard et le temps reprenait déjà ses droits. Il aurait tant aimé que tout se passe différemment... mais qui pouvait bien se soucier des désirs d'un nuisible tel que lui. Alors il n'avait pas d'autre choix que courir et poursuivre son destin. Finirait-il par le devancer ? Trop tard.
Un vent glacial soufflait sur l'étendue morne et sans vie du désert. Bien des hommes trouvaient ce genre de paysages des plus rassurants mais une telle quiétude ne pouvait être positive... pas avec ce vide. Nulle empreinte de pas se dessinant sur le sol, aucun bruit hormis le claquement sec des bourrasques qui venaient à intervalles réguliers soulever la poussière d'or. L'eau se faisait rare et quiconque osait s'aventurer en de tels lieux connaissait une mort lente et douloureuse, devenant à son tour sable du désert. Pourtant, une lumière se dessinait au loin, telle un phare dans l'obscurité. Une imposante tour, dernier vestige d'une civilisation décimée et depuis fort longtemps oubliée. Un fétu de paille vint s'écraser contre le rempart des hommes. Oui, cette construction était probablement la plus rassurante de toutes, elle laissait entrevoir l'espoir de vie... et pourtant en son sein se déroulaient des faits que nul être ne saurait jamais... et qu'aucun n'avait besoin de savoir.
L'homme était solidement enchaîné et jamais ses liens ne se rompraient. Il était le prisonnier de cette tour. Ces deux bourreaux, d'une apparence fébrile, de simples gobelins, en témoignaient. Mais ils n'étaient pas les coupables de ce sombre dessein, de cette absence totale de justice. Faibles, ils obéissaient. L'homme se trouvait au cœur d'une cour au sol de sable, sur une estrade de pierres grossières. Face à lui, se trouvait son propre reflet, traître présent que lui renvoyait cet assassin miroir à la beauté insolente. Il le connaissait, il avait participé à sa reconstitution dans les moindres détails. Quelle belle ironie, qu'aujourd'hui, son œuvre achevée vienne lui voler sa vie. L'homme ne ressentait absolument plus rien, si ce n'est ce sentiment de dégoût ... cette impression d'une victoire volée qu'il escomptait tant. Il n'avait plus envie de se battre, le monde entier l'abandonnait, se dérobait sous ses pieds. Il avait conscience de cette condamnation répétée. Il aurait beau la contester et protester, elle continuerait de se répéter, sans fin. Le cours du temps était immuable et son destin, tout tracé. Un individu au loin fit un signe de tête aux deux monstres qui comprirent immédiatement le signal. Ils placèrent l'homme à genoux et se saisirent de son bras droit d’où jaillissait une incommensurable lumière. Elle éclairait d'une pâle lueur les ténèbres grandissants de la nuit, qui peu à peu, prenaient possession de la tour. La main de l'homme effleura à peine la surface du miroir et son cri déchira le crépuscule, alors que plus jamais il ne verrait l'aube. Le miroir étincela et une formidable explosion de lumière aveugla les rares témoins de la scène. Durant quelques courts instants, l'éclatante illumination dissipa l'obscurité, le jour semblait être revenu. Mais cette pulsation de vie s'éteint bien vite. L'homme et les deux monstres furent projetés contre un des murs de l'enceinte intérieure. Il savait qu'on venait de lui voler ce qu'il possédait de plus précieux, et pourtant, cette explosion lui avait redonné le courage et l'espoir quelques secondes. Bien trop brèves secondes. L'écoulement dans ce désert, de simplement quelques grains de sable. L'homme cru voir un nouvel individu par-delà le miroir, qui souriait fièrement tandis que lui, à l'inverse, il n'était plus rien. Cette vision le hanta et il se tourna vers son bourreau, en haut des gradins « Tu peux me voler mon âme autant de fois que tu veux, mais tu ne pourras pas toujours tromper la mort ! Tôt ou tard, toi aussi, le temps te rattrapera ! » Une voix tonitruante envahit la cour et la réponse à cette insolence ne tarda pas « Je me fiche bien de tes mises en garde ! Une vermine dans ton genre a eu ce qu'elle méritait. Tu es libre désormais. Libre de mourir dans cette belle étendue d'or, le soleil couchant sera ton dernier allié. » L'homme reperdit tout l'espoir qu'il avait osé amasser en ces quelques mots. Tout était perdu.
Cette nuit-là, il marcha dans le désert, sans trop s'accrocher à sa vie, il savait pertinemment que cela ne changerait rien. La faible lumière qu'il était devenu s'éteint et son corps sans vie tomba mollement tout contre le sable. Le seul confort dont il disposerait désormais. Mais cela n'avait plus d'importance... là il allait. Là où il disparaissait.
C'est ainsi que Zelda découvrit Link, les yeux fixant désespérément le vide, sans la moindre expression de visage. Elle ne prit pas peine de s'en inquiéter d'abord, elle ouvrit franchement la porte de la chambre et d'un bond, s'assit sur le lit de son ami. Elle lui déclara toute joyeuse, après s'être excusé de probablement lui avoir broyé les côtes « Lève-toi vite ! Une longue route nous attend ! Enfin... à dos de Célestrier nous n'en aurons que pour quelques heures... mais là n'est pas la question ! Tu dois vite t'habiller ! Mon père m'a confirmé, qu'au Village du Sceau, on préparait déjà la cérémonie ! Tu ne peux pas t'autoriser à arriver en retard ! Nous serons donc en avance. » Son rire cristallin envahit la chambre mais le silence de son ami d'enfance lui indiqua que quelque chose le perturbait. Ne voulant certainement pas voir le héros du jour à la mine sombre, elle entama la conversation, bien décidée à lui tirer les vers du nez !
« - Quelque chose ne va pas, Link ? questionna-t-elle le plus simplement du monde, appuyant son menton sur son bras pour exagérer son interrogation.
- ... le jeune Hylien ne prit même pas peine de répondre, le regard toujours aussi morne ne pouvant rien fixer en particulier.
- Eh, oh ! Tu m'entends, oui ?? poursuivit Zelda sur sa lancée, qui ne supportait pas un tel silence. Cela ne présageait rien de bon ! Elle donna une légère tape sur la tête de son ami qui sursauta. La bulle de rêveries se brisa brutalement, il retournait à son quotidien, bien plus heureux.
- Oh... oh... euh ! Je... Zelda ? Tu es là depuis longtemps ? répondit l'apprenti chevalier sortant de sa bien étrange transe. Il se racla la gorge et s'excusa poliment pour son absence.
- Et moi qui m'inquiétais pour toi... tu ne faisais que dormir les yeux ouverts oui ! Mais tu ne peux pas t'autoriser à être dans la Lune pour le jour le plus important de ta vie ! reprocha la princesse, les bras croisés, à genou sur le lit, regardant fixement Link de plus en plus gêné.
- Oui, je sais... souffla-t-il timidement en baissant honteusement la tête. Ce comportement n'était pas normal et Zelda l'avait senti.
- Link... je vois bien qu'il y a quelque chose qui te tracasse... tu ne veux pas en parler ? questionna-t-elle en prenant une voix douce et fragile. Elle avait toujours été douée pour exagérer ses gestes et ainsi attendrir tout Hylien lambda du royaume, Link ne faisant pas vraiment exception à la règle.
-Je suis désolé... ce n'est presque rien tu sais... je... je fais juste quelques cauchemars en ce moment... c'est assez récurrent et à la longue... très perturbant... balbutia le jeune soldat n'osant toujours pas relever la tête. Il trouvait ce genre de situation vraiment gênante. On aurait dit un enfant de 7 ans qui n'arrivait pas à dormir.
- Oh... je comprends ! Tu viens de te lever, c'est normal de ressasser tout ça ! Mais tu verras, dans quelques heures, tout ira mieux ! Tu seras celui que tu as toujours voulu être, peut-être que tu es simplement un peu angoissé par tout ce côté officiel... proposa la jeune fille, une main sur l'épaule de son ami, le regard adouci et les yeux en amandes. Link rougit d'une telle attention, peu habitué à ce que l'on prenne autant soin de lui pour une telle broutille.
- Je sais mais... je ne les oublie jamais totalement. Je ne comprends pas... j'ai l'étrange impression, oui vraiment bizarre et tu vas me prendre pour un fou ! Mais... c'est comme si je me sentais mourir peu à peu, à petit feu... sans pouvoir lutter ni même comprendre pourquoi, avoua-t-il en se tournant vers la fenêtre de sa chambre. Le soleil levant était un spectacle dont il se contenterait aujourd'hui pour panser les blessures de son cœur.
- Je... je n'oserais pas te prendre pour un fou, tu le sais bien... souffla la princesse compatissante. En replaçant correctement sa robe de soie, elle ajouta, je ne sais pas quoi te dire pour que tu ailles mieux... mais je crois vraiment que tu ne devrais pas te laisser tracasser par les mécanismes tortueux de ton esprit.
- Oui, ce que tu dis là est vrai, j'espère pouvoir l'appliquer... attend moi dans le jardin ! Si je comprends bien, nous partons ensemble à dos de mon Célestrier. Je ne tarderai pas, promis, tu n'auras pas froid trop longtemps, sourit le jeune homme sentant déjà revenir en lui l'excitation et la légère appréhension du jour tant redouté.
- Il fait doux ce matin tu sais, prends ton temps ! Je peux l'appeler seule, moi, ton corbeau ! taquina-t-elle en sortant de la pièce avec cette insouciance et cette bonne humeur qui la caractérisaient tant. »
Link laissa ses sombres pensées derrière lui et adopta l'attitude de Zelda, le cœur léger. Il n'allait pas cauchemarder en pleine journée et encore moins s'autoriser à s'inquiéter pour une cérémonie en son honneur. Il sortit péniblement de son lit et s'habilla après quelques étirements matinaux qui se chargèrent d'achever son réveil. Il se décida ensuite à ouvrir la fenêtre de sa chambre et s'accouda ainsi. Profitant des premiers rayons du soleil, il admira, rêveur, la rosée matinale se dissiper sans même laisser une fine brume. Respirant le bon air frais les yeux clos, il se concentra sur les bruits alentours. Link ne put s'empêcher d'esquisser un sourire serein et si peu moqueur. Au loin, un peu plus bas, Zelda tentait de siffler le Célestrier vermeil sans qu'elle n'obtienne la moindre réponse. Elle ne se décourageait pas et continuait malgré tout. Link rouvrit les yeux, observant son amie de plus près. Elle avait déjà eu le temps de se changer, fin prête au voyage. Elle s'était munie d'une robe magenta foncé et plus courte qu'à l'habitude, la laissant entièrement libre de ses mouvements. Elle avait noué un châle autour de ses épaules afin de se protéger du vent. A sa ceinture, une sacoche de cuir. Une paire de bottines et quelques accessoires superposés de-ci de-là achevaient son équipement et la rendaient prête à se rendre au bout du monde ! Le futur chevalier ne voulut pas faire durer plus longtemps le calvaire de son amie, reniée par un vulgaire volatile. Aussi, il se dépêcha de sortir du palais après s'être muni de provisions pour la route. Il n'allait certainement pas voler sans avoir un minimum mangé au préalable !
Zelda se retourna auprès de Link et lui déclara, visiblement vexée : « Que ton oiseau est lunatique ! Il refuse de venir me voir ! Il ne répond vraiment qu'à toi... quel malpoli ! » Son ton se voulait hautain mais elle ne réussit guère à le conserver très longtemps. Le jeune Hylien lui sourit et siffla à son tour. La réaction du Célestrier fut quasi immédiate, ce qui acheva Zelda, trouvant là une bonne raison d'en vouloir à cette créature un peu trop fidèle ! L'animal piqua et redressant sa trajectoire au dernier moment, il atterrit en douceur sur le sol, faisant voleter quelques brins d'herbe ici et là. Link flatta l'encolure de l'imposant volatile tandis que la princesse s'approchait lentement dans l'espoir de caresser à son tour cet animal ingrat. Le Célestrier ne rechigna pas et accepta docilement cette présence, qui ne l'avait jamais dérangé. Avec entrain, les gestes vifs, Link enfourcha l'animal aux plumes de feu et aida Zelda à le rejoindre. Le jeune Hylien se pencha délicatement en avant et glissa quelques mots au Célestrier commençant déjà à prendre de l'élan. Il parlait d'un ton doux témoignant de l'affection qu'il portait à sa monture. La créature agissait avec la même douceur que son maître, et le décollage se déroula sans la moindre turbulence. L'oiseau vermeil devint point rouge dans le ciel, le voyage commençait enfin... dans quelques heures à peine, Link serait chevalier. Le Chevaucheur Céleste se concentra davantage sur la trajectoire de sa monture, préférant ainsi faire abstraction de son ventre noué.
Le ciel clair laissa entrer en son sein, parfaitement dégagé, le duo et l'oiseau vermeil. Il n'y avait guère de nuages téméraires pour oser cacher la beauté du paysage. Volant le long de la plaine, Link et Zelda se trouvaient très proches du sol, l'ombre du Célestrier se reflétant sur l'herbe grasse et humide d'un printemps clément. Zelda, se tenant à Link, lâcha une main, appréciant le vent lui filant du bout des doigts avec un plaisir non feint. Elle s'autorisait parfois à hurler pendant la filée de l'oiseau, elle ne voyageait que très rarement par la voie des airs, et pourtant, le Célestrier était de loin le moyen de transport qu'elle considérait le plus confortable ! Il ne présentait que des avantages à ses yeux. Un cheval ne pourrait jamais égaler une telle impression de vitesse. Elle se sentait libre, loin de la terre ferme et de toutes ces responsabilités, qui lui empêchaient la moindre évasion. Link sourit à l'hystérie de son amie, toujours aussi spontanée. Après tout, elle n'avait pas à craindre du regard du jeune Hylien et savait pertinemment qu'il ne dirait rien de ses instants de purs bonheurs. Les ailes du Célestrier battaient à un rythme régulier, la vitesse qu'il avait atteinte lui permettait de planer en toute aisance sans que ses passagers ne souffrent d'un voyage trop rapide. Link et Zelda n'étaient pas vraiment du genre à refuser les sensations fortes, l'oiseau en avait conscience. Il effectuait le trajet, se laissant parfois dériver au gré du vent. La créature se rapprochait parfois tellement du sol qu'il aurait presque été possible de le toucher si la vitesse ne l'avait pas empêché, une brûlure pouvait si vite arriver. Et le plus bêtement du monde. Zelda se rapprocha de Link en lui criant « J'adore voler comme ça ! Je veux revivre ça encore et encore ! » Le jeune garçon sourit, et reprenant légèrement de l'altitude, déclara en se tournant vers son amie « Tu m'avais pourtant demandé une fois de t'emmener à Célesbourg ! Ce n'est pas la première fois que tu vois le ciel ! » Il ne cherchait pas le moins du monde à contester la princesse, mais simplement à la comprendre. Elle éclata de rire et se hâta de répondre, tandis que la forêt de Firone était en vue « Oui, mais c'est différent ! Nous sommes si proches de la terre ! Nous balayons la plaine de fortes rafales, nous sommes le vent ! La tête dans les nuages et les pieds sur terre... ou presque ! » Elle hurla à nouveau se laissant porter par l'air un bref instant. Link aurait aimé l'imiter, mais ils étaient déjà en vu du Village du sceau. Ils n'avaient plus qu'à se poser.
« Nous vous attendions Votre Majesté ! Apprenti, heureux de vous rencontrer » salua un garde du Village du Sceau, une lance à la main, en tenue officielle. Les deux amis quittèrent bien vite le Célestrier, pour s'en éloigner sur une courte distance. Ils se trouvaient sur la place principale, entièrement dégagée et pavée. En son centre était gravé le symbole de Firone d'un vert convenant parfaitement à l'environnement. Le village dans un milieu ainsi boisé dégageait une atmosphère très reposante, on se sentait immédiatement à l'écart de l'agitation de la grande ville d'Hyrule. Le ciel s’éclipsait parfois au profit de la nature, et quelques habitations étaient recouvertes de lierres. Le village s'organisait en plusieurs allées ayant pour point de rencontre la place centrale, servant aussi de piste d'atterrissage. Le Célestrier de Link fut conduit dans une plaine, à l'écart du village où il pourrait se reposer tandis que son maître connaîtrait probablement le jour le plus angoissant de sa vie, pour une simple question de protocole et des honneurs récoltés sans raison valable. Le garde n'eut guère besoin d'escorter les deux amis au Temple du Sceau, la porte principale donnait directement sur la grande place. L'ancienne bâtisse jadis tombant en ruines avait été entièrement rénovée. Elle semblait désormais briller au soleil, des pierres d'un blanc aveuglant empêchaient de contempler le temple pendant une durée trop longue. Zelda fit un clin d’œil à son ami et lui déclara « Je dois aider à préparer la cérémonie, c'est ta journée aujourd'hui, alors tu ne peux pas rentrer tout de suite ! Je viendrai te chercher quand tout sera prêt pour toi. Nous ne devrions pas en avoir pour bien longtemps, tout le monde ici semble réveillé depuis des heures. Ils sont très ponctuels, tout le contraire de toi ! » Link bredouilla une réponse tentant de contrer son amie mais il n'en eut ni le temps, ni bien l'envie. Les portes du temple se refermèrent sur elle et l'apprenti chevalier plus que nerveux se décida à rester sur la place. Il s'assit sur un banc de pierre et attendit un modeste temps qui lui parut une éternité. Son seul loisir fut de contempler le vent dans le feuillage des arbres. La verdure voletait en tout sens, alternant ombre et lumière, le soleil s'autorisant un passionnant jeu de cache-cache d'un branchage à un autre. Les Hyliens allaient et venaient, le saluant aimablement, s'intéressant à sa condition et tentant parfois même de le rassurer sur cette cérémonie à laquelle la plupart avait déjà assisté. Elle n'avait vraiment rien de bien compliqué. Le guerrier ne devant qu'avancer pour y recevoir le témoignage de son nouveau titre. Link se détendit un peu, trouvant les villageois tous très accueillants, il n'aurait jamais pu penser découvrir des gens aussi conciliants et à l'écoute des problèmes des visiteurs. L'inconnu ne semblait vraiment pas les surprendre. Ils étaient habitués. Des milliers de touristes allaient et venaient en quelques mois à peine afin d'observer de plus près le Temple du Sceau, figure de légendes. Là où tout avait commencé avec la déesse Hylia et ses fidèles. Là où tout s'était achevé.
Zelda ressortit discrètement du temple une demi-heure plus tard, toujours aussi rayonnante. Ses bruits de pas résonnaient tout contre la pierre fraîche du village boisé et sa sacoche, accrochée à sa ceinture, tressautait au rythme de ses pas. Elle lui tendit une main et l'invita à entrer à l'intérieur. Sa voix douce ressemblait à un appel. Écho tendre et suave. « C'est ton heure, n'angoisse pas, tu n'as rien à prouver aux gens. Et puis, je suis là pour t'épauler. Nous allons marcher ensemble jusqu'à l'autel ! Garde la tête haute surtout ! Tu es un chevalier, tu n'es pas n'importe qui. Ne l'oublie pas. » Link hocha de la tête, inspira et pénétra dans l'enceinte du temple, à la même cadence que son amie d'enfance. Elle était toujours là, au bon moment.
Les portes s'ouvrirent d'elles-mêmes, Link et Zelda traversèrent un long couloir désert, où un tapis rouge avait été installé au préalable. Le jeune Hylien ne s'autorisa pas à en faire la remarque à son amie, qui fixait la porte non loin, suivant le chemin bien droit. Ouverte, elle donnait sur une salle circulaire où une foule applaudissait le futur chevalier qui aurait préféré s'enfuir immédiatement. Lorsque Link et Zelda arrivèrent là où régnait l'agitation, le soldat s'aperçut, avec un grand soulagement, que la salle était en réalité peu remplie. Seul un comité assez restreint avait été admis. Le roi d'Hyrule lui-même l'attendait, se trouvant non loin d'une imposante porte. Il était là, juste pour lui. Devant lui, quelques marches plus haut, une épée plantée à même un socle de pierre semblait l'attendre. Une fine lame au tranchant acéré, sculptée à divers endroits, légèrement grisée... ornée d'incompréhensibles symboles et possédant une forme pour le moins étrange. Le fil de l'épée n'était pas droit, mais comportait quelques pics à certains endroits, qui bien aiguisés, devaient faire très mal à l'adversaire. Il avait entendu parler de cet honneur fait aux chevaliers. Avant leur prise de fonction, ils avaient le droit de tenter d'extraire la lame sacrée, qui, d'après les légendes avait vaincu le mal, pourfendant et triomphant des ténèbres. Link fixait la lame, sans pouvoir en ôter son regard. Il y avait quelque chose qu'il ne parvenait pas à définir, son corps semblait, lui, avoir compris puisqu’un frisson parcourut son échine. Comme une alarme. Le roi d'Hyrule entama son discours solennel en l'honneur de Link, mais le jeune Hylien l'entendait à peine. Il préférait se concentrer sur l'épée. Une voix l'appelait au loin, elle lui suppliait de la libérer de son sommeil. Link en eut presque pitié, et s'avança de lui-même jusqu'au socle. Le roi venait à ce même instant, de lui autoriser un bref essai. Nul ne croyait réellement en ses capacités, bien avant, des plus costauds que lui avaient tenté d'extraire la lame sans qu'elle ne bronche. Mais l'espoir d'un miracle les faisait vivre et attirait leur curiosité : était-ce vraiment possible ? Zelda vint se placer à la gauche de son père et sourit à Link qui ne semblait pas en avoir conscience. L'épée lui parlait ! A quoi bon alors s'intéresser au reste ! Il en était certain désormais ! Et c'était complètement fou ! Quelque chose ou quelqu'un avait été scellé, et l'âme appelait à sa force, son courage ! Il oublia la foule, il oublia le roi, il oublia la porte du fond, il oublia la salle. Il posa ses mains sur le pommeau, sentant le bonheur de la voix. Il allait libérer cette âme qui avait tant besoin d'un sauveur ! D'un coup sec il retira l'épée qui sortit de la roche sans la moindre difficulté. Le raclement de la lame contre le socle se fit entendre de tous. Le public retint sa respiration, Zelda semblait jubiler et le roi, incrédule. Nul n'avait envisagé l'imprévisible, nul n'aurait pensé autant regretter d'assister à un tel spectacle...
Une gerbe de lumière vint se placer aux côtés de Link, tandis que la foule prenait la fuite, consciente que ce fait n'avait absolument rien de normal ! Il était exclu de tout scénario. Peu à peu, une silhouette se dessina, elle prit forme, tourbillonnant, entre ombre et lumière. Le silence revint et Zelda poussa un cri. Un homme se tenait désormais derrière Link, lui ayant placé une lame juste sous la gorge. Une bien belle mise en scène à laquelle le guerrier ne s'était certainement pas attendu !
« - Tu m'a appelé à l'aide ! Je n'ai fait que te libérer ! protesta le jeune garçon remuant à peine les lèvres et ne s'autorisant aucun déplacement. Un seul faux pas et son assaillant n'hésiterait pas à lui laisser une belle marque sur son cou nu.
- Oui, et j'admire la naïveté de ton peuple ! Vous m'avez retenu des années et des années durant ! Tous vous avez tenté de me libérer, vous attendant à un miracle ! Tu as entendu le son de ma voix avant tous les autres, tu m'as compris et grâce à ton courage, j'ai trouvé la force de me libérer ! C'est un plaisir de faire ta connaissance jeune homme, comment t'appelles-tu ? questionna l'étrange individu à la peau mate, les yeux blancs sans la moindre pupille. Un tel portrait avait de quoi sérieusement vous déranger.
- Je m'appelle Link, souffla l'Hylien d'un ton posé et calme, probablement contrarié aussi. Il n'aimait pas du tout la tournure que prenaient les événements, et la famille royale était en danger !
- Vous n'êtes pas l'épée de légende ! C'est impossible ! s'horrifia Zelda les yeux écarquillés, craignant pour son ami. Et pourtant, elle était terriblement impuissante et ne pouvait rien faire pour lui. Elle déglutit péniblement.
- Je ne parlais pas A TOI ! s'emporta l'inconnu se saisissant de Link plus fermement, relevant sa fine lame pour la jeter contre la princesse. Celle-ci ne se montra pas impressionnée et se décala d'un pas. L'individu aux cheveux blancs et fins comme la soie haussa les épaules. Il ne resta pas sans arme bien longtemps, faisant léviter la lame qu'avait extraite Link et perdue après l'explosion de lumière. Il l'amena à lui et replaça le chevalier en situation critique, l'homme reprit, je me nomme Ghirahim. Si vous appreniez tous correctement votre Histoire, vous auriez immédiatement reconnu le merveilleux et splendide personnage que je suis ! Link, je suis enchanté de faire ta connaissance, nous allons bien nous entendre, je crois. Ton prénom est court, il me va. Mais si tu acceptes de me rendre un tout petit service, nous deviendrions vraiment de grands amis. Pourrais-tu gentiment avancer jusqu'à la porte du fond ? Et au pas s'il te plaît ! JE NE VEUX PAS TE VOIR DESOBEIR ! rugit subitement Ghirahim forçant son captif à avancer. Link sursauta mais se mit en marche, ne supportant les jacassements de son interlocuteur.
- Vous êtes ridicule, vous feriez mieux de me lâcher maintenant, vous ne faîtes peur à personne... fit remarquer le chevalier ne craignant pas les représailles de son ennemi.
- Je n'aime pas vraiment ton insolence. Tu viens de baisser dans mon estime, c'est dommage... souffla Ghirahim qui pour seule réponse appuya le tranchant de la lame sur le cou de Link jusqu'à ce que la peau se déchire et que le sang s'écoule. Ils continuèrent d'avancer.
- Je ne vous laisserai pas passer ! Vous n'avez pas le droit de faire du mal à Link comme ça ! intervint Zelda se plaçant sur la trajectoire du scellé qui se contenta de soupirer, déçu. Le roi quant à lui ne semblait pas franchement disposé à réagir, bien trop stupéfait.
- Toi, je te déteste déjà ! CA FAIT LA DEUXIEME FOIS QUE TU ME COUPES ! tonna Ghirahim visiblement facilement irritable. »
Il lâcha son épée et leva sa main libre en l'air. Quelques brefs instants de concentration lui suffirent à formuler une invocation. Des épées se mirent à flotter autour de lui. Pour la plupart, des lames courtes. Link se décida à agir, ne souhaitant pas voir son amie embrochée vive. Ce n'était pas à elle de payer son erreur. Le jeune garçon se baissa et ramassa l'épée sur le sol, vif et alerte. Il se releva en un éclair et chargea son adversaire. Ghirahim ricana et disparut soudainement, dans un éclatement de losanges blancs et oranges. Link en fut immédiatement déséquilibré et l'épéiste se retrouva dans son dos à nouveau, lui donnant un grand coup de pied. L'Hylien s'écroula sur le sol, le souffle coupé. « Vous êtes vraiment tous insupportables finalement... mais je ne suis pas ici pour jouer ! Je vais me venger, et faire preuve d'intelligence ! Ce dont... vous manquez tous visiblement ! » se moqua Ghirahim, se téléportant à nouveau, cette fois-ci devant la porte qu'il visait depuis tout à l'heure. Il la franchit en adressant un geste d'adieu. Link se releva en se frottant le dos, reprit sa lame et s'empressa de suivre le fuyard. Zelda ordonna à son père de l'attendre et elle se joignit à Link.
La salle finale du temple ne semblait guère très intéressante. Ce cul-de-sac ne contenait que quelques vieux objets sur lesquels on avait disposé un drap afin d'éviter qu'ils ne prennent la poussière. Le ménage n'avait probablement pas été fait depuis des siècles... Lorsque Zelda et Link arrivèrent, Ghirahim se saisissait d'un énorme drap et le retirait avec lenteur et satisfaction, dévoilant un bien étrange objet, qui au contact de la lumière, s'illumina d'une lueur verte. Quelques engrenages d'un noir absolu apparurent, faisant tourner à un rythme régulier, la machine branlante. L'épéiste frôla la surface et un voile se dissipa, révélant un couloir formé d'engrenages. Il était impossible d'en distinguer la fin, aucune lumière ne semblait se répandre. Il se retourna, reculant de quelques pas, criant à qui aimerait l'entendre « Nous nous reverrons peut-être ! Mais oserez-vous me suivre ? Resterez-vous là à regarder ma vengeance s'accomplir ? Vos petites vies risquent de bien vite disparaître, je suis navré... mais je suis contraint d'aller tuer tous vos ancêtres ! Vous avez hérité de leur acharnement borné... adieu, je vous aimais bien quand même... je crois... ! » conclut-il avant de disparaître dans l'obscurité de la porte-rouage.
Oui, lorsque l'on devenait chevalier... les choses se compliquaient et les responsabilités s'accumulaient. Mais était-il vraiment nécessaire de mettre le royaume en danger pour une poignée d'honneur ? Link regretta amèrement la cérémonie, comprenant, un peu tard, pourquoi le Village du Sceau portait si bien son nom...
Un vent glacial soufflait sur l'étendue morne et sans vie du désert. Bien des hommes trouvaient ce genre de paysages des plus rassurants mais une telle quiétude ne pouvait être positive... pas avec ce vide. Nulle empreinte de pas se dessinant sur le sol, aucun bruit hormis le claquement sec des bourrasques qui venaient à intervalles réguliers soulever la poussière d'or. L'eau se faisait rare et quiconque osait s'aventurer en de tels lieux connaissait une mort lente et douloureuse, devenant à son tour sable du désert. Pourtant, une lumière se dessinait au loin, telle un phare dans l'obscurité. Une imposante tour, dernier vestige d'une civilisation décimée et depuis fort longtemps oubliée. Un fétu de paille vint s'écraser contre le rempart des hommes. Oui, cette construction était probablement la plus rassurante de toutes, elle laissait entrevoir l'espoir de vie... et pourtant en son sein se déroulaient des faits que nul être ne saurait jamais... et qu'aucun n'avait besoin de savoir.
L'homme était solidement enchaîné et jamais ses liens ne se rompraient. Il était le prisonnier de cette tour. Ces deux bourreaux, d'une apparence fébrile, de simples gobelins, en témoignaient. Mais ils n'étaient pas les coupables de ce sombre dessein, de cette absence totale de justice. Faibles, ils obéissaient. L'homme se trouvait au cœur d'une cour au sol de sable, sur une estrade de pierres grossières. Face à lui, se trouvait son propre reflet, traître présent que lui renvoyait cet assassin miroir à la beauté insolente. Il le connaissait, il avait participé à sa reconstitution dans les moindres détails. Quelle belle ironie, qu'aujourd'hui, son œuvre achevée vienne lui voler sa vie. L'homme ne ressentait absolument plus rien, si ce n'est ce sentiment de dégoût ... cette impression d'une victoire volée qu'il escomptait tant. Il n'avait plus envie de se battre, le monde entier l'abandonnait, se dérobait sous ses pieds. Il avait conscience de cette condamnation répétée. Il aurait beau la contester et protester, elle continuerait de se répéter, sans fin. Le cours du temps était immuable et son destin, tout tracé. Un individu au loin fit un signe de tête aux deux monstres qui comprirent immédiatement le signal. Ils placèrent l'homme à genoux et se saisirent de son bras droit d’où jaillissait une incommensurable lumière. Elle éclairait d'une pâle lueur les ténèbres grandissants de la nuit, qui peu à peu, prenaient possession de la tour. La main de l'homme effleura à peine la surface du miroir et son cri déchira le crépuscule, alors que plus jamais il ne verrait l'aube. Le miroir étincela et une formidable explosion de lumière aveugla les rares témoins de la scène. Durant quelques courts instants, l'éclatante illumination dissipa l'obscurité, le jour semblait être revenu. Mais cette pulsation de vie s'éteint bien vite. L'homme et les deux monstres furent projetés contre un des murs de l'enceinte intérieure. Il savait qu'on venait de lui voler ce qu'il possédait de plus précieux, et pourtant, cette explosion lui avait redonné le courage et l'espoir quelques secondes. Bien trop brèves secondes. L'écoulement dans ce désert, de simplement quelques grains de sable. L'homme cru voir un nouvel individu par-delà le miroir, qui souriait fièrement tandis que lui, à l'inverse, il n'était plus rien. Cette vision le hanta et il se tourna vers son bourreau, en haut des gradins « Tu peux me voler mon âme autant de fois que tu veux, mais tu ne pourras pas toujours tromper la mort ! Tôt ou tard, toi aussi, le temps te rattrapera ! » Une voix tonitruante envahit la cour et la réponse à cette insolence ne tarda pas « Je me fiche bien de tes mises en garde ! Une vermine dans ton genre a eu ce qu'elle méritait. Tu es libre désormais. Libre de mourir dans cette belle étendue d'or, le soleil couchant sera ton dernier allié. » L'homme reperdit tout l'espoir qu'il avait osé amasser en ces quelques mots. Tout était perdu.
Cette nuit-là, il marcha dans le désert, sans trop s'accrocher à sa vie, il savait pertinemment que cela ne changerait rien. La faible lumière qu'il était devenu s'éteint et son corps sans vie tomba mollement tout contre le sable. Le seul confort dont il disposerait désormais. Mais cela n'avait plus d'importance... là il allait. Là où il disparaissait.
***
Link se réveilla en sueur, une main sur le cœur. Encore choqué de ce qu'il venait de vivre. Un cauchemar des plus terribles, dont il aurait volontiers aimé se passer, où tout du moins de cette netteté rendant le rêve plus vrai. Ces songes n'avaient de cesse de se répéter et il ne savait plus quoi penser. Cette situation l'étouffait, tout cela avait débuté, ce jour précis où Zelda était venue lui annoncer la date de la cérémonie qui parachèverait son apprentissage. Les jours suivants s'écoulèrent lentement mais son attente prenait fin dès aujourd'hui. Il allait se rendre au Temple du Sceau et deviendrait enfin un grand chevalier. Cette nouvelle lui mettait du baume au cœur et ne pouvait l'empêcher de le rendre si fier de tout ce qu'il avait accompli jusqu'ici. Malgré tout, des souvenirs bien précis ne cessaient de tourbillonner dans son esprit. Son rêve s'encrait peu à peu en lui. Le jeune Hylien resta ainsi, sans bouger, quelques heures, les yeux dans le vague tandis que le soleil commençait sa lente ascension. Il songea un bref instant, que l'homme de son cauchemar n'aurait plus jamais le droit à un tel spectacle. Cette pensée lui arracha un frisson et il préféra se focaliser sur le fait qu'un rêve n'était pas la réalité, et que jamais il ne pourrait se produire de tels faits.C'est ainsi que Zelda découvrit Link, les yeux fixant désespérément le vide, sans la moindre expression de visage. Elle ne prit pas peine de s'en inquiéter d'abord, elle ouvrit franchement la porte de la chambre et d'un bond, s'assit sur le lit de son ami. Elle lui déclara toute joyeuse, après s'être excusé de probablement lui avoir broyé les côtes « Lève-toi vite ! Une longue route nous attend ! Enfin... à dos de Célestrier nous n'en aurons que pour quelques heures... mais là n'est pas la question ! Tu dois vite t'habiller ! Mon père m'a confirmé, qu'au Village du Sceau, on préparait déjà la cérémonie ! Tu ne peux pas t'autoriser à arriver en retard ! Nous serons donc en avance. » Son rire cristallin envahit la chambre mais le silence de son ami d'enfance lui indiqua que quelque chose le perturbait. Ne voulant certainement pas voir le héros du jour à la mine sombre, elle entama la conversation, bien décidée à lui tirer les vers du nez !
« - Quelque chose ne va pas, Link ? questionna-t-elle le plus simplement du monde, appuyant son menton sur son bras pour exagérer son interrogation.
- ... le jeune Hylien ne prit même pas peine de répondre, le regard toujours aussi morne ne pouvant rien fixer en particulier.
- Eh, oh ! Tu m'entends, oui ?? poursuivit Zelda sur sa lancée, qui ne supportait pas un tel silence. Cela ne présageait rien de bon ! Elle donna une légère tape sur la tête de son ami qui sursauta. La bulle de rêveries se brisa brutalement, il retournait à son quotidien, bien plus heureux.
- Oh... oh... euh ! Je... Zelda ? Tu es là depuis longtemps ? répondit l'apprenti chevalier sortant de sa bien étrange transe. Il se racla la gorge et s'excusa poliment pour son absence.
- Et moi qui m'inquiétais pour toi... tu ne faisais que dormir les yeux ouverts oui ! Mais tu ne peux pas t'autoriser à être dans la Lune pour le jour le plus important de ta vie ! reprocha la princesse, les bras croisés, à genou sur le lit, regardant fixement Link de plus en plus gêné.
- Oui, je sais... souffla-t-il timidement en baissant honteusement la tête. Ce comportement n'était pas normal et Zelda l'avait senti.
- Link... je vois bien qu'il y a quelque chose qui te tracasse... tu ne veux pas en parler ? questionna-t-elle en prenant une voix douce et fragile. Elle avait toujours été douée pour exagérer ses gestes et ainsi attendrir tout Hylien lambda du royaume, Link ne faisant pas vraiment exception à la règle.
-Je suis désolé... ce n'est presque rien tu sais... je... je fais juste quelques cauchemars en ce moment... c'est assez récurrent et à la longue... très perturbant... balbutia le jeune soldat n'osant toujours pas relever la tête. Il trouvait ce genre de situation vraiment gênante. On aurait dit un enfant de 7 ans qui n'arrivait pas à dormir.
- Oh... je comprends ! Tu viens de te lever, c'est normal de ressasser tout ça ! Mais tu verras, dans quelques heures, tout ira mieux ! Tu seras celui que tu as toujours voulu être, peut-être que tu es simplement un peu angoissé par tout ce côté officiel... proposa la jeune fille, une main sur l'épaule de son ami, le regard adouci et les yeux en amandes. Link rougit d'une telle attention, peu habitué à ce que l'on prenne autant soin de lui pour une telle broutille.
- Je sais mais... je ne les oublie jamais totalement. Je ne comprends pas... j'ai l'étrange impression, oui vraiment bizarre et tu vas me prendre pour un fou ! Mais... c'est comme si je me sentais mourir peu à peu, à petit feu... sans pouvoir lutter ni même comprendre pourquoi, avoua-t-il en se tournant vers la fenêtre de sa chambre. Le soleil levant était un spectacle dont il se contenterait aujourd'hui pour panser les blessures de son cœur.
- Je... je n'oserais pas te prendre pour un fou, tu le sais bien... souffla la princesse compatissante. En replaçant correctement sa robe de soie, elle ajouta, je ne sais pas quoi te dire pour que tu ailles mieux... mais je crois vraiment que tu ne devrais pas te laisser tracasser par les mécanismes tortueux de ton esprit.
- Oui, ce que tu dis là est vrai, j'espère pouvoir l'appliquer... attend moi dans le jardin ! Si je comprends bien, nous partons ensemble à dos de mon Célestrier. Je ne tarderai pas, promis, tu n'auras pas froid trop longtemps, sourit le jeune homme sentant déjà revenir en lui l'excitation et la légère appréhension du jour tant redouté.
- Il fait doux ce matin tu sais, prends ton temps ! Je peux l'appeler seule, moi, ton corbeau ! taquina-t-elle en sortant de la pièce avec cette insouciance et cette bonne humeur qui la caractérisaient tant. »
Link laissa ses sombres pensées derrière lui et adopta l'attitude de Zelda, le cœur léger. Il n'allait pas cauchemarder en pleine journée et encore moins s'autoriser à s'inquiéter pour une cérémonie en son honneur. Il sortit péniblement de son lit et s'habilla après quelques étirements matinaux qui se chargèrent d'achever son réveil. Il se décida ensuite à ouvrir la fenêtre de sa chambre et s'accouda ainsi. Profitant des premiers rayons du soleil, il admira, rêveur, la rosée matinale se dissiper sans même laisser une fine brume. Respirant le bon air frais les yeux clos, il se concentra sur les bruits alentours. Link ne put s'empêcher d'esquisser un sourire serein et si peu moqueur. Au loin, un peu plus bas, Zelda tentait de siffler le Célestrier vermeil sans qu'elle n'obtienne la moindre réponse. Elle ne se décourageait pas et continuait malgré tout. Link rouvrit les yeux, observant son amie de plus près. Elle avait déjà eu le temps de se changer, fin prête au voyage. Elle s'était munie d'une robe magenta foncé et plus courte qu'à l'habitude, la laissant entièrement libre de ses mouvements. Elle avait noué un châle autour de ses épaules afin de se protéger du vent. A sa ceinture, une sacoche de cuir. Une paire de bottines et quelques accessoires superposés de-ci de-là achevaient son équipement et la rendaient prête à se rendre au bout du monde ! Le futur chevalier ne voulut pas faire durer plus longtemps le calvaire de son amie, reniée par un vulgaire volatile. Aussi, il se dépêcha de sortir du palais après s'être muni de provisions pour la route. Il n'allait certainement pas voler sans avoir un minimum mangé au préalable !
Zelda se retourna auprès de Link et lui déclara, visiblement vexée : « Que ton oiseau est lunatique ! Il refuse de venir me voir ! Il ne répond vraiment qu'à toi... quel malpoli ! » Son ton se voulait hautain mais elle ne réussit guère à le conserver très longtemps. Le jeune Hylien lui sourit et siffla à son tour. La réaction du Célestrier fut quasi immédiate, ce qui acheva Zelda, trouvant là une bonne raison d'en vouloir à cette créature un peu trop fidèle ! L'animal piqua et redressant sa trajectoire au dernier moment, il atterrit en douceur sur le sol, faisant voleter quelques brins d'herbe ici et là. Link flatta l'encolure de l'imposant volatile tandis que la princesse s'approchait lentement dans l'espoir de caresser à son tour cet animal ingrat. Le Célestrier ne rechigna pas et accepta docilement cette présence, qui ne l'avait jamais dérangé. Avec entrain, les gestes vifs, Link enfourcha l'animal aux plumes de feu et aida Zelda à le rejoindre. Le jeune Hylien se pencha délicatement en avant et glissa quelques mots au Célestrier commençant déjà à prendre de l'élan. Il parlait d'un ton doux témoignant de l'affection qu'il portait à sa monture. La créature agissait avec la même douceur que son maître, et le décollage se déroula sans la moindre turbulence. L'oiseau vermeil devint point rouge dans le ciel, le voyage commençait enfin... dans quelques heures à peine, Link serait chevalier. Le Chevaucheur Céleste se concentra davantage sur la trajectoire de sa monture, préférant ainsi faire abstraction de son ventre noué.
Le ciel clair laissa entrer en son sein, parfaitement dégagé, le duo et l'oiseau vermeil. Il n'y avait guère de nuages téméraires pour oser cacher la beauté du paysage. Volant le long de la plaine, Link et Zelda se trouvaient très proches du sol, l'ombre du Célestrier se reflétant sur l'herbe grasse et humide d'un printemps clément. Zelda, se tenant à Link, lâcha une main, appréciant le vent lui filant du bout des doigts avec un plaisir non feint. Elle s'autorisait parfois à hurler pendant la filée de l'oiseau, elle ne voyageait que très rarement par la voie des airs, et pourtant, le Célestrier était de loin le moyen de transport qu'elle considérait le plus confortable ! Il ne présentait que des avantages à ses yeux. Un cheval ne pourrait jamais égaler une telle impression de vitesse. Elle se sentait libre, loin de la terre ferme et de toutes ces responsabilités, qui lui empêchaient la moindre évasion. Link sourit à l'hystérie de son amie, toujours aussi spontanée. Après tout, elle n'avait pas à craindre du regard du jeune Hylien et savait pertinemment qu'il ne dirait rien de ses instants de purs bonheurs. Les ailes du Célestrier battaient à un rythme régulier, la vitesse qu'il avait atteinte lui permettait de planer en toute aisance sans que ses passagers ne souffrent d'un voyage trop rapide. Link et Zelda n'étaient pas vraiment du genre à refuser les sensations fortes, l'oiseau en avait conscience. Il effectuait le trajet, se laissant parfois dériver au gré du vent. La créature se rapprochait parfois tellement du sol qu'il aurait presque été possible de le toucher si la vitesse ne l'avait pas empêché, une brûlure pouvait si vite arriver. Et le plus bêtement du monde. Zelda se rapprocha de Link en lui criant « J'adore voler comme ça ! Je veux revivre ça encore et encore ! » Le jeune garçon sourit, et reprenant légèrement de l'altitude, déclara en se tournant vers son amie « Tu m'avais pourtant demandé une fois de t'emmener à Célesbourg ! Ce n'est pas la première fois que tu vois le ciel ! » Il ne cherchait pas le moins du monde à contester la princesse, mais simplement à la comprendre. Elle éclata de rire et se hâta de répondre, tandis que la forêt de Firone était en vue « Oui, mais c'est différent ! Nous sommes si proches de la terre ! Nous balayons la plaine de fortes rafales, nous sommes le vent ! La tête dans les nuages et les pieds sur terre... ou presque ! » Elle hurla à nouveau se laissant porter par l'air un bref instant. Link aurait aimé l'imiter, mais ils étaient déjà en vu du Village du sceau. Ils n'avaient plus qu'à se poser.
« Nous vous attendions Votre Majesté ! Apprenti, heureux de vous rencontrer » salua un garde du Village du Sceau, une lance à la main, en tenue officielle. Les deux amis quittèrent bien vite le Célestrier, pour s'en éloigner sur une courte distance. Ils se trouvaient sur la place principale, entièrement dégagée et pavée. En son centre était gravé le symbole de Firone d'un vert convenant parfaitement à l'environnement. Le village dans un milieu ainsi boisé dégageait une atmosphère très reposante, on se sentait immédiatement à l'écart de l'agitation de la grande ville d'Hyrule. Le ciel s’éclipsait parfois au profit de la nature, et quelques habitations étaient recouvertes de lierres. Le village s'organisait en plusieurs allées ayant pour point de rencontre la place centrale, servant aussi de piste d'atterrissage. Le Célestrier de Link fut conduit dans une plaine, à l'écart du village où il pourrait se reposer tandis que son maître connaîtrait probablement le jour le plus angoissant de sa vie, pour une simple question de protocole et des honneurs récoltés sans raison valable. Le garde n'eut guère besoin d'escorter les deux amis au Temple du Sceau, la porte principale donnait directement sur la grande place. L'ancienne bâtisse jadis tombant en ruines avait été entièrement rénovée. Elle semblait désormais briller au soleil, des pierres d'un blanc aveuglant empêchaient de contempler le temple pendant une durée trop longue. Zelda fit un clin d’œil à son ami et lui déclara « Je dois aider à préparer la cérémonie, c'est ta journée aujourd'hui, alors tu ne peux pas rentrer tout de suite ! Je viendrai te chercher quand tout sera prêt pour toi. Nous ne devrions pas en avoir pour bien longtemps, tout le monde ici semble réveillé depuis des heures. Ils sont très ponctuels, tout le contraire de toi ! » Link bredouilla une réponse tentant de contrer son amie mais il n'en eut ni le temps, ni bien l'envie. Les portes du temple se refermèrent sur elle et l'apprenti chevalier plus que nerveux se décida à rester sur la place. Il s'assit sur un banc de pierre et attendit un modeste temps qui lui parut une éternité. Son seul loisir fut de contempler le vent dans le feuillage des arbres. La verdure voletait en tout sens, alternant ombre et lumière, le soleil s'autorisant un passionnant jeu de cache-cache d'un branchage à un autre. Les Hyliens allaient et venaient, le saluant aimablement, s'intéressant à sa condition et tentant parfois même de le rassurer sur cette cérémonie à laquelle la plupart avait déjà assisté. Elle n'avait vraiment rien de bien compliqué. Le guerrier ne devant qu'avancer pour y recevoir le témoignage de son nouveau titre. Link se détendit un peu, trouvant les villageois tous très accueillants, il n'aurait jamais pu penser découvrir des gens aussi conciliants et à l'écoute des problèmes des visiteurs. L'inconnu ne semblait vraiment pas les surprendre. Ils étaient habitués. Des milliers de touristes allaient et venaient en quelques mois à peine afin d'observer de plus près le Temple du Sceau, figure de légendes. Là où tout avait commencé avec la déesse Hylia et ses fidèles. Là où tout s'était achevé.
Zelda ressortit discrètement du temple une demi-heure plus tard, toujours aussi rayonnante. Ses bruits de pas résonnaient tout contre la pierre fraîche du village boisé et sa sacoche, accrochée à sa ceinture, tressautait au rythme de ses pas. Elle lui tendit une main et l'invita à entrer à l'intérieur. Sa voix douce ressemblait à un appel. Écho tendre et suave. « C'est ton heure, n'angoisse pas, tu n'as rien à prouver aux gens. Et puis, je suis là pour t'épauler. Nous allons marcher ensemble jusqu'à l'autel ! Garde la tête haute surtout ! Tu es un chevalier, tu n'es pas n'importe qui. Ne l'oublie pas. » Link hocha de la tête, inspira et pénétra dans l'enceinte du temple, à la même cadence que son amie d'enfance. Elle était toujours là, au bon moment.
Les portes s'ouvrirent d'elles-mêmes, Link et Zelda traversèrent un long couloir désert, où un tapis rouge avait été installé au préalable. Le jeune Hylien ne s'autorisa pas à en faire la remarque à son amie, qui fixait la porte non loin, suivant le chemin bien droit. Ouverte, elle donnait sur une salle circulaire où une foule applaudissait le futur chevalier qui aurait préféré s'enfuir immédiatement. Lorsque Link et Zelda arrivèrent là où régnait l'agitation, le soldat s'aperçut, avec un grand soulagement, que la salle était en réalité peu remplie. Seul un comité assez restreint avait été admis. Le roi d'Hyrule lui-même l'attendait, se trouvant non loin d'une imposante porte. Il était là, juste pour lui. Devant lui, quelques marches plus haut, une épée plantée à même un socle de pierre semblait l'attendre. Une fine lame au tranchant acéré, sculptée à divers endroits, légèrement grisée... ornée d'incompréhensibles symboles et possédant une forme pour le moins étrange. Le fil de l'épée n'était pas droit, mais comportait quelques pics à certains endroits, qui bien aiguisés, devaient faire très mal à l'adversaire. Il avait entendu parler de cet honneur fait aux chevaliers. Avant leur prise de fonction, ils avaient le droit de tenter d'extraire la lame sacrée, qui, d'après les légendes avait vaincu le mal, pourfendant et triomphant des ténèbres. Link fixait la lame, sans pouvoir en ôter son regard. Il y avait quelque chose qu'il ne parvenait pas à définir, son corps semblait, lui, avoir compris puisqu’un frisson parcourut son échine. Comme une alarme. Le roi d'Hyrule entama son discours solennel en l'honneur de Link, mais le jeune Hylien l'entendait à peine. Il préférait se concentrer sur l'épée. Une voix l'appelait au loin, elle lui suppliait de la libérer de son sommeil. Link en eut presque pitié, et s'avança de lui-même jusqu'au socle. Le roi venait à ce même instant, de lui autoriser un bref essai. Nul ne croyait réellement en ses capacités, bien avant, des plus costauds que lui avaient tenté d'extraire la lame sans qu'elle ne bronche. Mais l'espoir d'un miracle les faisait vivre et attirait leur curiosité : était-ce vraiment possible ? Zelda vint se placer à la gauche de son père et sourit à Link qui ne semblait pas en avoir conscience. L'épée lui parlait ! A quoi bon alors s'intéresser au reste ! Il en était certain désormais ! Et c'était complètement fou ! Quelque chose ou quelqu'un avait été scellé, et l'âme appelait à sa force, son courage ! Il oublia la foule, il oublia le roi, il oublia la porte du fond, il oublia la salle. Il posa ses mains sur le pommeau, sentant le bonheur de la voix. Il allait libérer cette âme qui avait tant besoin d'un sauveur ! D'un coup sec il retira l'épée qui sortit de la roche sans la moindre difficulté. Le raclement de la lame contre le socle se fit entendre de tous. Le public retint sa respiration, Zelda semblait jubiler et le roi, incrédule. Nul n'avait envisagé l'imprévisible, nul n'aurait pensé autant regretter d'assister à un tel spectacle...
Une gerbe de lumière vint se placer aux côtés de Link, tandis que la foule prenait la fuite, consciente que ce fait n'avait absolument rien de normal ! Il était exclu de tout scénario. Peu à peu, une silhouette se dessina, elle prit forme, tourbillonnant, entre ombre et lumière. Le silence revint et Zelda poussa un cri. Un homme se tenait désormais derrière Link, lui ayant placé une lame juste sous la gorge. Une bien belle mise en scène à laquelle le guerrier ne s'était certainement pas attendu !
« - Tu m'a appelé à l'aide ! Je n'ai fait que te libérer ! protesta le jeune garçon remuant à peine les lèvres et ne s'autorisant aucun déplacement. Un seul faux pas et son assaillant n'hésiterait pas à lui laisser une belle marque sur son cou nu.
- Oui, et j'admire la naïveté de ton peuple ! Vous m'avez retenu des années et des années durant ! Tous vous avez tenté de me libérer, vous attendant à un miracle ! Tu as entendu le son de ma voix avant tous les autres, tu m'as compris et grâce à ton courage, j'ai trouvé la force de me libérer ! C'est un plaisir de faire ta connaissance jeune homme, comment t'appelles-tu ? questionna l'étrange individu à la peau mate, les yeux blancs sans la moindre pupille. Un tel portrait avait de quoi sérieusement vous déranger.
- Je m'appelle Link, souffla l'Hylien d'un ton posé et calme, probablement contrarié aussi. Il n'aimait pas du tout la tournure que prenaient les événements, et la famille royale était en danger !
- Vous n'êtes pas l'épée de légende ! C'est impossible ! s'horrifia Zelda les yeux écarquillés, craignant pour son ami. Et pourtant, elle était terriblement impuissante et ne pouvait rien faire pour lui. Elle déglutit péniblement.
- Je ne parlais pas A TOI ! s'emporta l'inconnu se saisissant de Link plus fermement, relevant sa fine lame pour la jeter contre la princesse. Celle-ci ne se montra pas impressionnée et se décala d'un pas. L'individu aux cheveux blancs et fins comme la soie haussa les épaules. Il ne resta pas sans arme bien longtemps, faisant léviter la lame qu'avait extraite Link et perdue après l'explosion de lumière. Il l'amena à lui et replaça le chevalier en situation critique, l'homme reprit, je me nomme Ghirahim. Si vous appreniez tous correctement votre Histoire, vous auriez immédiatement reconnu le merveilleux et splendide personnage que je suis ! Link, je suis enchanté de faire ta connaissance, nous allons bien nous entendre, je crois. Ton prénom est court, il me va. Mais si tu acceptes de me rendre un tout petit service, nous deviendrions vraiment de grands amis. Pourrais-tu gentiment avancer jusqu'à la porte du fond ? Et au pas s'il te plaît ! JE NE VEUX PAS TE VOIR DESOBEIR ! rugit subitement Ghirahim forçant son captif à avancer. Link sursauta mais se mit en marche, ne supportant les jacassements de son interlocuteur.
- Vous êtes ridicule, vous feriez mieux de me lâcher maintenant, vous ne faîtes peur à personne... fit remarquer le chevalier ne craignant pas les représailles de son ennemi.
- Je n'aime pas vraiment ton insolence. Tu viens de baisser dans mon estime, c'est dommage... souffla Ghirahim qui pour seule réponse appuya le tranchant de la lame sur le cou de Link jusqu'à ce que la peau se déchire et que le sang s'écoule. Ils continuèrent d'avancer.
- Je ne vous laisserai pas passer ! Vous n'avez pas le droit de faire du mal à Link comme ça ! intervint Zelda se plaçant sur la trajectoire du scellé qui se contenta de soupirer, déçu. Le roi quant à lui ne semblait pas franchement disposé à réagir, bien trop stupéfait.
- Toi, je te déteste déjà ! CA FAIT LA DEUXIEME FOIS QUE TU ME COUPES ! tonna Ghirahim visiblement facilement irritable. »
Il lâcha son épée et leva sa main libre en l'air. Quelques brefs instants de concentration lui suffirent à formuler une invocation. Des épées se mirent à flotter autour de lui. Pour la plupart, des lames courtes. Link se décida à agir, ne souhaitant pas voir son amie embrochée vive. Ce n'était pas à elle de payer son erreur. Le jeune garçon se baissa et ramassa l'épée sur le sol, vif et alerte. Il se releva en un éclair et chargea son adversaire. Ghirahim ricana et disparut soudainement, dans un éclatement de losanges blancs et oranges. Link en fut immédiatement déséquilibré et l'épéiste se retrouva dans son dos à nouveau, lui donnant un grand coup de pied. L'Hylien s'écroula sur le sol, le souffle coupé. « Vous êtes vraiment tous insupportables finalement... mais je ne suis pas ici pour jouer ! Je vais me venger, et faire preuve d'intelligence ! Ce dont... vous manquez tous visiblement ! » se moqua Ghirahim, se téléportant à nouveau, cette fois-ci devant la porte qu'il visait depuis tout à l'heure. Il la franchit en adressant un geste d'adieu. Link se releva en se frottant le dos, reprit sa lame et s'empressa de suivre le fuyard. Zelda ordonna à son père de l'attendre et elle se joignit à Link.
La salle finale du temple ne semblait guère très intéressante. Ce cul-de-sac ne contenait que quelques vieux objets sur lesquels on avait disposé un drap afin d'éviter qu'ils ne prennent la poussière. Le ménage n'avait probablement pas été fait depuis des siècles... Lorsque Zelda et Link arrivèrent, Ghirahim se saisissait d'un énorme drap et le retirait avec lenteur et satisfaction, dévoilant un bien étrange objet, qui au contact de la lumière, s'illumina d'une lueur verte. Quelques engrenages d'un noir absolu apparurent, faisant tourner à un rythme régulier, la machine branlante. L'épéiste frôla la surface et un voile se dissipa, révélant un couloir formé d'engrenages. Il était impossible d'en distinguer la fin, aucune lumière ne semblait se répandre. Il se retourna, reculant de quelques pas, criant à qui aimerait l'entendre « Nous nous reverrons peut-être ! Mais oserez-vous me suivre ? Resterez-vous là à regarder ma vengeance s'accomplir ? Vos petites vies risquent de bien vite disparaître, je suis navré... mais je suis contraint d'aller tuer tous vos ancêtres ! Vous avez hérité de leur acharnement borné... adieu, je vous aimais bien quand même... je crois... ! » conclut-il avant de disparaître dans l'obscurité de la porte-rouage.
Oui, lorsque l'on devenait chevalier... les choses se compliquaient et les responsabilités s'accumulaient. Mais était-il vraiment nécessaire de mettre le royaume en danger pour une poignée d'honneur ? Link regretta amèrement la cérémonie, comprenant, un peu tard, pourquoi le Village du Sceau portait si bien son nom...