J'ai vu
Rubber samedi.
Si on me posait la question "Pourquoi t'as aimé le film", je ne pourrais y répondre "no reason" (ceux qui ont vu le film comprendrons).
En effet, ce second film du réalisateur de Steak (que j'ai adoré), Quentin Dupieux (qui rappelons-le est connu sous son nom de scène musicale Mr Oizio et a réalisé la célèbre pub pour Levi's, Flat Eric), tourné avec un budget minuscule ("très largement en dessous des 1 millions d'euros") en 14 jours seulement, m'a tout simplement enchanté. L'histoire se déroule dans un désert californien magnifiquement bien filmé, où des spectateurs assistent aux péripéties d'un pneu dénommé Robert, télépathe complètement psychopathe. Bon, au cas où vous douteriez, non, je ne me suis pas trompé. Le synopsis est complètement fou, comme le reste du film. Si vous aimez l'humour absurde et les critiques acerbes, vous ne pourrez qu'être conquis. La scène du début, où un policier vient expliquer le principe du no reason aux spectateurs avant de débuter le "film", est tout simplement géniale (je n'en dirais pas plus sur cette dernière, hilarante, pour ne pas spoiler).
L'ambiance, lourde, à la limite du film d'horreur (Rubber en est un en quelque sorte, mais tellement tourné comédie aussi qu'il est impossible d'y avoir peur), déjà présente dans Steak, est vraiment bien adaptée aux paysages filmés. Les grandes étendues désertiques ponctuées de motels miteux filmées par un cinéaste ayant un certain talent pour l'image avec un appareil photo Canon 5-D, c'est un rendu tout simplement sublime. Rien que pour cette esthétique admirable donnant au film un côté presque poétique, le film est à voir au cinéma. La BO est elle aussi de la partie, et pas n'importe comment. Alternant sons de flûtes et musiques purement électros sorties d'un autre univers, tout est parfaitement placé, accompagnant l'image avec délice, et renforçant le délire burlesque maîtrisé avec plaisir. Certaines compositions sont purement jouissives et les moments musicaux sont souvent exceptionnels. Pour tous fans de musiques électronique, ce score sera un bonheur pour vous oreilles, score d'ailleurs composé par Mr Oizio (le réalisateur donc) et Gaspard Augé, de chez Justice. Pas n'importe qui, donc.
L'ambiance et la réalisation sont donc tout simplement un réel bonheur extraterrestre qui sonne comme un énorme coup de fraîcheur, mais qu'en est-il du scénario, et du jeu d'acteur ? Bah là aussi, c'est vraiment bon. Parce que, ne vous inquiétez pas, le pneu n'est pas le seul personnage. Entre références et foutage de gueules à mourir de rire, les dialogues collent parfaitement au film, en se payant le luxe d'être dits par des acteurs exploitant ici tout leur talent (dont une Roxanne Mesquida qui, je sens, n'a pas fini de nous épater).
Alors non, rassurez-vous, le film n'est pas qu'une bonne blague ne valant que pour son spitch de départ, comme pourront le dire certains médisants(et ils seront en nombre je pense, tellement le film ne risque pas de plaire à tous). Servi par un excellent casting, un scénario solide, une BO d'enfer, une image splendide, et un humour absurde ravageur auquel on ne peut résister, Rubber, réquisitoire dénonçant le formatage d'un cinéma actuel appartenant aux studios où les spectateurs veulent de l'action (on comprendra mieux après le visionnage du film), est un véritable bonheur déjanté aussi expérimental que dominé qui doit se faire connaître, empli d'inventivité et de culot.
A voir impérativement.